Prévenir, c’est aussi écouter : l’enjeu silencieux de la santé au travail
- Sara Debabeche
- 15 avr.
- 4 min de lecture
La prévention des risques psychosociaux (RPS) est devenue un sujet incontournable pour les entreprises. Plans d’action, diagnostics, baromètres QVT, formations à la gestion du stress ou au management bienveillant : les outils se multiplient, les intentions sont là. Et pourtant… une dimension essentielle reste souvent négligée, presque invisible : l’écoute.
Pas l’écoute fonctionnelle ou ponctuelle, intégrée dans un process RH. Mais l’écoute réelle, humaine, disponible – celle qui permet à une personne de déposer ce qu’elle vit sans crainte d’être jugée, mise à l’écart, ou interrompue.
Écouter semble simple, mais dans les faits, peu d’organisations disposent d’un espace structuré ou d’une culture favorable au dialogue. Or, l’écoute est bien plus qu’un outil relationnel : elle est un levier puissant de prévention. Sans elle, les signaux faibles restent invisibles… jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

L'écoute, un acte de prévention à part entière
Quand j’évoque l’écoute comme outil de prévention, je parle d’une posture spécifique : accueillir sans juger, sans vouloir réparer ou répondre tout de suite. Dans un environnement où tout va vite, où les solutions doivent être immédiates et les résultats visibles, cette forme d’écoute peut sembler contre-intuitive. Et pourtant, elle est profondément puissante.
Une écoute active permet :
• De repérer les signaux faibles, ces premiers signes de surcharge, d’isolement, de baisse de motivation ou de tensions avant qu’ils ne deviennent des situations critiques.
• De désamorcer les tensions relationnelles qui, si elles ne sont pas exprimées, peuvent empoisonner le climat d’équipe ; simplement parce que chacun se sent reconnu dans ce qu’il vit.
• De restaurer la confiance, en montrant que la parole a sa place, et qu’elle est prise en compte.
Il ne s’agit pas de faire de chaque manager un thérapeute, ni de médicaliser la parole. Mais de reconnaître que parler, quand c’est possible, soulage déjà. Et que ne pas être écouté augmente la souffrance.
Autrement dit : écouter, c’est déjà agir.
"L'écoute est peut-être le geste le plus humain qui soit"
— Jacques Salomé, Le courage d’être soi, Éditions de l’Homme, 1999.
Pourquoi est-ce si difficile à instaurer en entreprise?
Malgré les bonnes intentions, l’écoute reste marginale dans de nombreuses organisations. Pourquoi ? Parce que la culture dominante est encore largement tournée vers la performance, l’action, la gestion. Il faut avancer, gérer, produire, trouver des solutions. Dans ce contexte, s’arrêter pour écouter peut être perçu comme une faiblesse, une perte de temps, voire un risque.
Et ce constat ne concerne pas uniquement les collaborateurs. Les managers eux-mêmes manquent souvent d’espace pour parler de leurs propres difficultés. Pris en étau entre leur équipe et la direction, ils doivent être à la fois relais, soutien, moteur… sans toujours avoir la possibilité d’exprimer ce qu’ils traversent.
Alors on multiplie les outils QVT, les indicateurs, les formations. Mais on contourne le cœur du sujet : la qualité du lien, la reconnaissance du vécu émotionnel, la place laissée à la parole.
La vraie difficulté, ce n’est pas d’ajouter un nouvel outil. C’est de créer un espace où la parole devient légitime.
Que se passe-t-il quand l'écoute devient structurée?
Lorsqu’une organisation fait le choix d’instaurer une écoute structurée, visible, accessible, les effets peuvent être très concrets – et souvent rapides.
D’abord, la parole est déstigmatisée. Dire que l’on ne va pas bien, que l’on est en difficulté ou en conflit, n’est plus perçu comme un aveu de faiblesse, mais comme une démarche légitime et constructive.
Ensuite, les relations se fluidifient. Car dès lors que les non-dits trouvent un espace pour s’exprimer, les tensions se relâchent. Cela permet de prévenir les conflits chroniques, les démissions silencieuses, les arrêts à répétition.
Enfin, cela permet de prendre soin sans psychologiser à outrance. Il ne s’agit pas de pathologiser chaque mal-être, mais d’offrir une soupape, une forme de régulation douce. Parfois, une seule séance d’écoute permet de désamorcer une situation tendue depuis des semaines.
Exemples concrets : • Une cellule d’écoute permet à un salarié, en pleine surcharge mentale, de retrouver ses repères avant de sombrer. • Un groupe de parole animé avec méthode fait retomber en une heure une tension latente qui plombait le climat d’équipe. • Un accompagnement managérial axé sur l’écoute évite un conflit interpersonnel majeur.
Ces actions ne demandent pas de moyens considérables. Mais elles supposent une volonté claire : celle de mettre l’humain au cœur de la prévention.

Écouter pour mieux agir
Trop souvent, on pense que prévenir les risques commence par un tableau Excel, un questionnaire ou un audit. Mais la vraie prévention commence quand une personne peut dire : “Je peux parler ici, je ne serai pas jugé·e.”
Écouter, ce n'est pas tout résoudre mais c’est déjà agir. C’est créer un cadre sécurisant, respectueux, humain. C’est envoyer le message que la parole a sa place, même (et surtout) quand elle est inconfortable.
Et parfois, c’est ce geste simple qui fait toute la différence.
Vous souhaitez réfléchir à l’intégration d’espaces d’écoute dans votre organisation ?
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